résidus urbains
faire disparaître toute TRACE des RÉSIDUS de la vie URBAINE.
----- Les ordures ménagères sont traitées aux marges de la ville. Le tri sélectif, opéré par les particuliers, tente d’alléger la tâche des professionnels du secteur. Comme les batteries de containers spécialisés, qui dans le verre, qui dans le papier. Mais le cœur des opérations s’effectue dans les usines TIRU (traitement industriel des résidus urbains) du SYCTOM (syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de l’agglomération parisienne), comme celle d’Ivry.
----- Ce temple majestueux et mystérieux, qui n’est pas sans rappeler une pyramide renversée, brille d’une propreté provocante, ne laissant échapper des monceaux d’immondices qui y sont éliminés qu’une virginale vapeur bien rassurante. Par noria incessante, les camions verts, petits dans cette immensité bétonnée, apportent leur ration du jour. Commence alors, dans le secret des bâtiments clos, le supplice en enfer, celui des « centres de valorisation énergétique » dans le langage écologiquement correct qui investit aussi ce secteur d’activité. Les détritus y sont incinérés et produisent de l’énergie sous la forme de chaleur, et des résidus ultimes, comme le mâchefer, utilisé dans les travaux publics, dont, par exemple, la réalisation du tramway au sud de Paris.
----- Ailleurs, dans les centres de tri, les collectes sélectives du verre, des papiers et des plastiques, font encore l’objet d’une fastidieuse répartition, à la main. Combien de livres passés au pilon dans ces ballots de papier à recycler, et combien d’exemplaires du prochain Goncourt y récupéreront de quoi être imprimés ? Les déchets ultimes, sans forme et sans couleur, contrastent avec les amas colorés et reconnaissables des « apports volontaires » des particuliers. Cette alchimie nouvelle qui reconstitue les matériaux de base que l’industrie a transformé en objets manufacturés est l’une des dimensions de cette société où les biens abondent, même s’ils ne sont pas équitablement partagés. Recycler devient un impératif devant la consommation effrénée des ressources naturelles.
----- Ces usines ne sauraient être implantées au cœur de la capitale. Mais dans cette collecte et ce traitement des déchets, l’espace urbain conserve ses hiérarchies. Situées à Issy, Ivry, Romainville, Sevran, Saint-Denis, Saint-Ouen et Nanterre, elles évitent les implantations trop proches des communes et des quartiers aisés de l’ouest. Quant au projet de centre de tri, dans le 15e arrondissement de Paris, il sera réalisé de l’autre côté du périphérique, sur les terrains jouxtant l’héliport, annexés à la capitale en 1954. Paris cantonne ses déchets à ses marges.